Les plains-chants musicaux

(Cécile Davy-Rigaux, Nathalie Berton-Blivet, Jean-Christophe Candau et l'ensemble vocal Vox Cantoris)

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Messe Agatange, Bibliothèque de Toulouse, Mf 917

Ce nouveau genre de la musique d'Église, apparu avec l'introduction de la Réforme catholique en France et qui fut désigné une cinquantaine d'années plus tard par l'expression « plain-chant musical », constitue l'un des domaines de création musicale les plus spécifiques et emblématiques de la période d'Ancien Régime. Presque complètement ignoré jusqu'ici par la recherche où il a surtout été abordé comme une curiosité, l'étude approfondie de cet important corpus constituera un apport important de Muséfrem.

Cette musique monodique, tantôt vient se substituer au plain-chant traditionnel (chez les oratoriens de Bérulle, mais surtout chez les religieuses), tantôt sert de musique de degré de solennité supérieur dans des sanctuaires où l'on n'avait pas les moyens ou pas la volonté de solenniser la fête par un dispositif musical exceptionnel. Elle n'a en ce sens pas le même statut que les nouveaux plains-chants composés à la même époque pour les offices nouvellement créés, qui d'ailleurs conservent l'écriture du plain-chant traditionnel. En effet, leur écriture musicale prend le plus souvent en compte l'évolution du langage musical contemporain, notamment par l'introduction d'ornementations mélodiques et par l'emprunt à des échelles tonales.

  • Les messes en plain-chant musical

Nous privilégions, pour cette étude, le corpus des messes de l'ordinaire en plain-chant musical, un des rares « genres » qui puisse être relié à la fois aux milieux de cour et à des milieux populaires, par son double ancrage conventuel et paroissial et, par ailleurs, un domaine de la création musicale religieuse particulièrement dynamique depuis l'implantation de la Réforme catholique et par-delà la coupure de la Révolution.

En effet, l'investissement du genre, d'abord par les plus grands musiciens de l'époque (Du Mont, Nivers, Campra, Lalande…), relayés ensuite, à partir des années 1750 par des chantres locaux plus ou moins amateurs, ainsi que l'évolution parallèle des publics concernés, qui sont d'abord les couvents masculins et surtout féminins, puis les paroisses, sont aussi le signe de l'importance à la fois musicale et populaire qu'a connu ce genre nouveau de composition musicale.

Ce type de plain-chant « musicalisé » s'adresse semble-t-il d'abord à de petites communautés religieuses, dont le peu de moyens financiers et humains ne leur permettait pas de s'offrir une solennisation en musique de leurs principales fêtes ; il trouve ensuite un autre lieu de développement privilégié parmi les paroisses qui s'échangent un répertoire grossissant de messes le plus souvent anonymes ou dues à d'obscurs prêtres ou chantres, dans le goût du temps (messes de Bordeaux, Italienne, Agathange, Thérique, Célestine, de l'abbé Bonaud…), ou en proposent des versions polyphoniques.

Pour mener à bien cette double étude musicale et historique, on utilise la base Sequentia consacrée au plain-chant et à la liturgie à l'époque moderne, qui bénéficie d'une indexation adaptée et d'un nouvel outil informatique d'analyse musicale développé en parallèle via le projet ANR NEUMA conduit en partenariat avec des informaticiens. Des vacations ont été engagées pour indexer des corpus complets destinés à des religieuses, et surtout pour relever le plus possible de messes en plain-chant musical ; celles-ci font en effet l'objet d'une analyse comparative approfondie des modes de composition employés et de leur évolution sur une période longue allant des années 1650 au début du XIXe siècle. Ce travail de recherche « théorique » sur le plain-chant musical, dont les résultats font l'objet de communications et d'articles, sera complété par une recherche de mise en pratique réalisée en parallèle avec l'ensemble Vox Cantoris, spécialisé dans les plains-chants d'Ancien Régime, qui se concrétisera par un enregistrement.