Une base de données prosopographiques

Composition de l'équipe :
Bernard Dompnier (CHEC, Université Clermont), Sylvie Granger (CERHIO, Université du Maine), Isabelle Langlois (Ingénieure d'études, CHEC). Collaborateurs : Éléonore Alquier, François Caillou, Thomas D'Hour (doctorant UBP), Christian Declerck, Jean-François Detrée, Stéphane Gomis, Aurélien Gras, Jean-François Heintzen, , Bastien Mailhot (doctorant CHEC), Christophe Maillard, Edith Marois, Jean-Marie Meillier, Anne-Claire Pfeiffer, Françoise Talvard…

L'équipe travaille principalement à la constitution d'une base de données consacrée aux musiciens en exercice dans tous les établissements religieux de France en 1790, hébergé sur le site « Philidor » du CMBV.

Pourquoi 1790 ?
La période choisie pour l'étude s'explique par la qualité de la documentation. À aucun autre moment de l'histoire des institutions musicales d'Ancien Régime, il n'est possible d'établir une statistique nationale pour l'ensemble de la profession, avec des informations sur les effectifs dans chacun des lieux de musique, les équilibres des spécialités vocales et instrumentales au niveau du royaume, ou encore sur le déroulement des carrières (les reconstitutions de carrières effectuées en 1790 permettent en fait de toucher à l'activité musicale de l'ensemble de la seconde moitié du XVIIIe siècle).

Les sources exploitées
L'enquête repose sur trois types de sources :

  • les documents réunis à Paris par le Comité ecclésiastique de l'Assemblée constituante (série D XIX des Archives nationales).
  • les sources produites et conservées au niveau départemental : tableaux administratifs des personnels employés dans les églises, suppliques individuelles et collectives des personnels concernés (avec souvent reconstitutions de carrières), pièces annexées à ce second type de documents (extraits d'actes d'état-civil, attestations d'employeurs…). Ces sources sont conservées dans les séries L, et éventuellement Q, des Archives départementales.
  • les sources complémentaires. Notamment en cas de lacunes dans les séries L et Q, des investigations complémentaires sont conduites dans les fonds des institutions religieuses employant les musiciens avant la Révolution, notamment dans les registres de délibérations capitulaires (séries G et H des Archives départementales).

Les résultats attendus de la recherche
Il s'agit d'abord de dresser un état général de la profession, à l'échelle du royaume, pour chacun des registres vocaux et pour chaque type d'instrument. Par ailleurs, la base de données permettra de cerner les conditions d'exécution des œuvres par l'étude des effectifs et des structures des chapelles musicales (équilibres entre les tessitures, présence d'instruments…), susceptible d'éclairer la diversité de leurs capacités en matière d'exécution, et donc aussi leur aptitude à intégrer l'innovation. On peut ajouter qu'aucun travail n'a jamais proposé une vue d'une telle ampleur sur les professions musicales d'Ancien Régime. On relèvera par ailleurs qu'au-delà de ses apports en matière sociale et culturelle, cette enquête apporte des informations sur les esthétiques (équilibres des tessitures, instrumentarium choisi). La complexité des termes utilisés pour désigner les musiciens d'Église et les contours imprécis du groupe dans certains cas ont enfin conduit à engager des recherches sur la dimension institutionnelle des bas chœurs.

Un autre objectif est de repérer les facteurs familiaux et sociaux qui ont conduit au métier de musicien, ainsi que les itinéraires de formation les plus fréquents (notamment l'apprentissage du métier au sein des maîtrises d'enfants de chœur). Autrement dit, seront mis en lumière les facteurs qui facilitent « les modes du devenir artiste ». Cette recherche accorde une attention particulière aux maîtres de musique, du point de vue des conditions d'exercice de leur activité (parcours professionnel, degré de mobilité géographique, niveau de rémunération, conditions juridiques d'engagement). Elle interroge aussi naturellement les rapports entre genre et pratique artistique, plus précisément entre genre et niveau de pratique artistique : dans quelle mesure, selon quelle fréquence, une éducation artistique permet-elle aux femmes d'atteindre la création ? À cet égard, sont aussi étudiés les itinéraires d'éducation masculins et féminins, et la fréquence d'un débouché créatif offert aux uns et aux autres. Parle-t-on des œuvres des musiciennes, et comment ? La réception de la création féminine diffère-t-elle de celle de la création masculine ? Ce chantier s'attache donc à éclairer les liens multiformes entre le contexte dans toutes ses données (genre, famille, milieu…) et la création.

 

Une cartographie de la création musicale. Le choix d'un ample cadre pour l'étude (l'ensemble du territoire national) fait de l'inscription spatiale des phénomènes une dimension essentielle du projet. À un premier niveau d'analyse, il s'agit d'abord de traduire cartographiquement l'ensemble des thèmes qui viennent d'être évoqués, de manière à donner à voir les variations régionales. Mais la cartographie sera aussi utilisée – et c'est l'aspect le plus original de son emploi – pour reconstituer les parcours des musiciens, et donc mettre en évidence les flux de circulation entre les villes et les constructions des itinérances professionnelles.
La cartographie constitue notamment un outil pour faire ressortir les lieux qui, recherchés comme stratégiques dans la progression d'une carrière, ont la réputation de permettre l'acquisition de compétences nouvelles. De la sorte, l'étude fournira des éléments de réponse à la question de l'unité des musiques à l'échelle du royaume, selon que se dessine ou non un espace unifié de circulation des musiciens.

Des contributions ponctuelles sont apportées par des historiens et musicologues, engagés pour certains dans d'autres opérations du projet Muséfrem.